Green Coding : comment développer de façon écoresponsable ?
Qu’est-ce que le Green Coding ? Le Green Coding, ou codage vert, en bon français, est une pratique inventée assez...
La première raison pour laquelle le sujet du développement durable et plus particulièrement des émissions de gaz à effet de serre émerge et s’installe durablement dans le secteur de l’hébergement web provient avant tout de sa croissance galopante et de celle de tout le numérique. Selon IDC, il existait en 2012 environ 500 000 datacenters de tout type et de toute taille, en 2012. En 2019, ce nombre avait déjà atteint 8 millions, et la croissance ne semble pas prête de stagner, portée par la diffusion du numérique dans l’ensemble des secteurs de l’économie et l’émergence tant des réseaux mobiles (5G), de l’IoT, des services basés sur la blockchain comme les cryptomonnaies ou les NFT.
Cette croissance galopante devient toujours plus problématique qu’elle est la plus importante de l’ensemble des domaines de l’IT. Les millions de datacenters en exploitation consomment toujours plus d’électricité et de tonnes de matériels, générant par la même un volume conséquent d’émissions de CO2. Le sujet du développement durable, de la réduction des émissions et de la participation à la neutralité carbone des activités mondiales est chaque jour plus chaud pour l’industrie de l’IT et l’ensemble de ses utilisateurs (c’est-à-dire, peu ou prou… l’ensemble de l’économie !). Cette nécessaire transition n’est que plus perceptible qu’elle est complexe.
Pour agir dans une optique de transition et de verdification des datacenters, les enjeux sont aussi nombreux que variés. Parmi ceux-ci, on peut compter la gestion durable des infrastructures et matériels, la réparabilité et la maintenance tout comme le refroidissement. Le premier sujet, et le plus adressé jusqu’ici est la consommation énergétique. Malheureusement, un large angle mort couvre encore le CO2 émis lors de la phase de fabrication des matériels (serveurs, racks, etc.). Cet oubli semble d’autant moins croyable et acceptable que, comme l’étudie Lars Olesen pour Nordic Computers, le total des émissions de GES de la phase de production est au moins aussi important que celui de la phase d’utilisation….
Le volume de GES (Gaz à Effet de Serre) émis lors de la phase de production du matériel d’un datacenter est souvent sous-estimé, et de beaucoup. Ainsi, selon la même étude, le renouvellement de deux racks serveurs d’un datacenter comprenant cinquante unités génère a minima 60 tonnes CO2e durant sa phase de production. Cette estimation est confirmée par les modèles et hypothèses de calcul de Dell.
Les émissions de GES générées pour l’extraction des matières premières, la fabrication et le transport d’une seule unité de serveur standard correspondent à environ 1 200 kgCO2e. Ces émissions grimpent à 1 300 kgCO2e pour un rack serveur standard et même 1 750 kgCO2e pour un serveur lame (blade server).
Selon la Sustainable Digital Infrastructure Alliance, certains datacenters d’hyperscalers déploient jusqu’à 400 000 serveurs par an, suivant un rythme de renouvellement d’un an. Cela signifie la destruction de 400 000 serveurs fonctionnels et de qualité par an, qui n’auront jamais été exploités à 100%.
Pour aller plus loin : RGESN 2024 : quelles avancées en matière d’écoconception des services numériques ?
Fort heureusement, il existe des solutions pour permettre aux managers et ingénieurs IT comme aux gestionnaires de datacenters de rendre plus durables les datacenters, en particulier en se reposant sur l’économie circulaire. La pression grandit d’ailleurs de la part des chercheurs et experts en développement durable pour que le secteur de l’hébergement adopte au plus vite des pratiques d’économie circulaire dans leurs opérations. Selon la règle des 3 R, il est urgent que le secteur Répare, Réutilise et Recycle l’ensemble du matériel.
Cette transition peut être rendue possible, facilitée et accélérée par l’appui de services de maintenance par des tiers, l’approvisionnement en matériels reconditionnés (achats responsables) ou encore le recyclage des matériels pour pièces, pour ceux qui ne peuvent plus être utilisés.
La Tierce Maintenance (Third Party Maintenance, ou TPM) est un procédé efficace de réduction des émissions de GES par les gestionnaires de datacenters. Quand les fabricants d’équipement d’origine (OEM) proposent la plupart du temps une fin de cycle de vie des actifs, ou EOSL (date après laquelle tous les services d’assistance pour le produit, tels que les réparations et les mises à jour, cessent) à trois ans, cette pratique permet d’en allonger la durée. Le premier bénéfice est l’allongement de la durée de vie des matériels au-delà de la durée théorique d’exploitation (sur laquelle est bien souvent calculé l’amortissement). La tierce maintenance peut ainsi permettre l’exploitation de matériel jusqu’à dix ou quinze ans. Sans cela, le remplacement d’un matériel toujours fonctionnel par un neuf en raison de l’atteinte de l’EOSL entraîne des impacts environnementaux et financiers tout à fait dispensables.
Les OEM vont naturellement inciter à l’achat d’équipements neufs via cette forme d’obsolescence programmée qu’est l’EOSL, puisque cette pratique est source de bénéfices et de croissance. Les impacts environnementaux tout comme la logique financière sont, eux, mis de côté.
La TPM peut ainsi permettre d’éviter l’empreinte carbone d’une génération entière de matériels qui seraient inutilement renouvelés, émissions dues à l’extraction, la production et le transport du matériel à remplacer, doublé de celles dues à la production et la fourniture des nouveaux matériels. Augmenter la durée de vie du matériel via des accords personnalisables (SLA) plutôt que renouveler le matériel, comme expliqué, pour deux racks de 50 unités d’une durée de vie de trois ans, c’est éviter 50 tonnes d’émissions de GES, soit l’équivalent… des émissions dues à la construction d’une maison neuve de 5 pièces. A cela s’ajoute le gain économique substantiel qui peut représenter jusqu’à 70% entre le renouvellement et l’allongement de la durée de vie.
Un autre moyen de réduire les émissions de GES des datacenters est de réutiliser le matériel et/ou d’acquérir du matériel reconditionné/recyclé/réparé. L’achat de matériel reconditionné permet de prolonger la durée de vie de matériels qui n’ont pas été utilisés au maximum de leur capacité. Il en est de même pour la réparation de matériels existants. Il est ainsi possible de repousser l’investissement dans du matériel neuf et réduire d’autant les émissions de GES. Grâce au fait que trop nombreux sont les datacenters qui se séparent de matériels encore tout à fait fonctionnels, il est aisé de se fournir en machines qui n’auront jamais été utilisées qu’à 15 ou 20% de leurs capacités, et ce pour une infime portion du prix du même matériel neuf. L’achat et la réutilisation de matériel reconditionné permettent ainsi d’obtenir un avantage durable tout en offrant des perspectives économiques très compétitives.
Les appareils qui ont été utilisés au maximum de leurs capacités et ne peuvent plus avoir d’usage ni être réparés doivent être recyclés. Des matières premières de seconde main peuvent être extraites de ces appareils en fin de vie, et leur exploitation est cruciale pour une économie circulaire et une activité soutenable. Ces matières premières peuvent ensuite être vendues pour être utilisées dans de futurs appareils. Employé en remplacement de matières premières extraites de notre environnement, ce procédé permet d’éviter l’émission de tonnes de CO2, mais aussi de préserver les ressources abiotiques, l’eau et l’environnement.
Dans la phase d’exploitation, il est indispensable de pouvoir piloter l’efficacité énergétique des matériels. Cette phase doit même être envisagée et simulée en amont, pour orienter les décisions d’achats. Ainsi, pour bien évaluer les impacts réels en termes d’émissions de GES, les ingénieurs des fournisseurs d’infrastructures exploitées par les datacenters doivent modéliser différentes sources d’alimentation et différentes configurations d’infrastructures. Cela entraîne une évolution des modèles d’IA d’une architecture centralisée à une répartition en bordure de réseaux, ou edge computing.
L’IA provoque une déferlante d’unités de calcul (CPU, GPU et DPU) toujours plus puissants, efficaces et… gourmands en énergie. Quoi qu’en effet plus optimisés génération après génération, l’effet rebond entraîne une très forte augmentation des consommations d’énergie et donc d’émissions de fonctionnement, mais aussi de production, le besoin et donc la consommation en matériels ne cessant d’augmenter.
Au premier trimestre 2024, Microsoft, Meta et Alphabet ont investi 32 milliards de dollars dans le développement de leurs capacités en IA. Pour l’ensemble de l’exercice, Meta projette un investissement de 40 milliards de dollars à lui-seul. La majorité de ces investissements est injectée dans les processeurs dédiés et les datacenters.
Ces investissements se transcrivent très concrètement en émissions de GES. Microsoft affiche une croissance de ses émissions de 30% par rapport à 2020 quand l’objectif du groupe était… une diminution de 30%.
Ces résultats apparaissent après qu’AWS et Google se soient faits retoquer sur leurs engagements et objectifs SBTi. Pour autant, aucune baisse à l’horizon. Le développement des modèles d’IA tels que ChatGPT3, et maintenant ChatGPT4, et leurs usages croissants pourraient multiplier par 7 les émissions dues aux IA. On estime que 100 millions d’utilisateurs entraînent l’émission de 2 millions de tonnes de CO2.
Diminuer les émissions des datacenters n’est pas une option si le secteur de l’IT veut réellement adresser la problématique de diminution des émissions de GES. Adopter l’extension de la durée de vie des équipements, que cela soit sur ses propres serveurs on premise, ou bien en l’exigeant de ses fournisseurs, que cela soit via un hébergement mutualisé ou un fournisseur de cloud chez les grands hyperscalers du marché : tant pour l’impact carbone que l’effet sur les dépenses, cette démarche est indispensable.
Il faut aussi ne pas se contenter des discours qui vont dans le sens des souhaits ou des engagements ; les promesses de diminution drastique des émissions par le passage au cloud public cachent beaucoup plus l’absence de comptabilisation des émissions de production, transport et fin de vie des matériels que l’amélioration des pratiques, tant d’achats que de consommation d’énergie.
C’est le secteur de l’hébergement, sous toutes ses formes, qui est aujourd’hui calibré selon un rythme de renouvellement des appareils et donc de surconsommation intenable pour notre environnement comme pour les engagements fièrement affichés par les entreprises.
Il existe aujourd’hui des solutions d’amélioration des impacts des infrastructures IT, heureusement. Cette transition s’inscrit dans une logique d’économie circulaire qui peut s’alimenter avec un volume particulièrement faible de ressources fossiles et abiotiques, et donc en préservant l’environnement.
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